mercredi 16 janvier 2013

Un bout de moi

Je n'ai pas eu une enfance facile. A vrai dire, j'ai très peu de bons souvenirs avant mes 16 ou 17 ans. Mon père était un homme autoritaire et abusif. Actuellement, ils disent que ce genre d'homme est un pervers narcissique. Très tôt, j'ai appris à le craindre. Très tôt aussi, je l'ai haï. Maintenant, je suis un peu apaisée, et je ne le crains plus. Je ne peux toujours pas dire que je l'aime, et sincèrement, je ne pense pas un jour l'apprécier.
Mon enfance se résume donc à l'oppression, aux cris, aux punitions. A l'injustice surtout. Pas de coups (enfin, plus après 4 ou 5 ans), pas de violences sexuelles. Mais la violence morale existe aussi, et il peut être dur de se construire après l'avoir subie. Ma défense a constitué à oublier. Des souvenirs hiératiques, sans vraiment de sens, sans chronologie. Des images, des mots.
Le Noël où j'ai eu deux tous petits cadeaux : un pour mon anniversaire, un pour Noël. Ma sœur avait eu les mêmes mais ce n'était que pour Noël (elle est née en juin, je suis du 21 décembre). Donc, point d'anniversaire pour moi.
La fois où j'ai chuté de vélo, où des gravillons sont restés plantés dans mon genou et où je me suis mise à pleurer. Il m'a dit de me taire, que j'étais trop bruyante.
La fois où il a acheté un vélo d'occasion à ma sœur, où il m'avait promis un petit quelque chose et où finalement je n'ai rien eu. Mes larmes silencieuses, les cris parce-que je ne l'étais pas assez. 
Toutes les fois où il m'a dit de manger moins, parce-que j'étais grosse. Ce qui était faux, je le sais en revoyant les photos.
Toutes les fois où je me suis faite hurler dessus que je ne connaissais pas ma force, que j'allais faire mal à ma sœur. Qui n'a que 18 mois de moins que moi.
La fois où ils se disputaient si fort qu'ils nous ont oubliées sous la pluie, enfermées dans le jardin. Quand enfin on a eu le droit de rentrer, Mimi a été enveloppée dans un duvet, installée devant le feu. Moi, je suis trempée et je le reste. Il faut que je demande pour être à mon tour séchée et mise au chaud.
La pauvreté parce-qu'il ne veut pas travailler.
Les brimades quand on joue parce-que je suis chanceuse, ce qu'il considère comme de la triche.
Son alcoolisme, sa violence quand il est saoul.
Tous ces Noëls sans cadeaux ou presque, à être obligée de s'en inventer à l'école pour ne pas subir les moqueries des autres enfants.
Les vêtements récupérés dans les poubelles ou au Secours Catholique, les rires des autres à l'école quand je suis habillée comme un épouvantail.
Les chargements de bois que je dois porter parce-que je suis une fainéante et que je n'en prends pas assez. Je reste persuadée que si j'ai tellement souvent mal au dos, c'est à cause des charges trop lourdes.
Le cauchemar des repas parce-qu'on n'est jamais assez bien. On se tient mal, on mange bruyamment, on parle la bouche pleine. On met les mains dans l'assiette. On est sales, des cochonnes, jamais il ne nous emmènera au restaurant, il a honte de nous.
Le surnom qu'il nous donne : les esclaves.

La maltraitance n'est pas que physique. Il ne sera jamais puni pour ce qu'ils nous a fait subir, pour nos années d'enfermements, de complexes, de honte. Il ne le reconnaît même pas quand on tente de le confronter à la réalité. Et maintenant, il est parti avec une autre femme, parce-qu'il en avait marre de nous. Et il continue ses brimades, ses moqueries, ses ordres.

4 commentaires:

  1. Eh bien à présent après tant d'épreuve, ça ne peut surement qu'être plus beau, surtout sans lui ? une bien belle "revanche" et façon d'"oublier" est de se gaver de bons souvenirs, ceux qu'on se fabrique nous même, que l'on se forge comme on veut ou peut parfois. Etre heureux en somme, même si ce n'est jamais simple. et si possible ne us avoir à faire à lui ?
    tout plein de bisous médicaments pour toi et ta famille <3

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    1. C'est plus beau en effet. Surtout que l'homme de ma vie est juste l'opposé total de mon père.J'essaie de le voir le moins possible, mais je ne coupe pas à une rencontre tout les 2 ou 3 mois. Le pire, c'est pour la petite dernière qui n'a que dix ans et qui est donc obligée de le voir régulièrement parce-que le juge l'a dit...
      Merci de ton soutien en tout cas !

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    1. Pas grand chose à dire mais ça m'a soulagée de l'écrire. De savoir que d'autres que ma famille me comprenne, ça fait du bien !

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